Magnificat

Viens, Lumière de nos cœurs !

Le 1 mai 2024

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Actif vers 1350-1390, Giovanni di Benedetto est un célèbre enlumineur et peintre de fresques. Il fut l’un des maîtres de l’atelier attaché à la cour de la famille Visconti, laquelle, au Moyen Âge, régnait sur le duché de Milan (actuelle Lombardie en Italie du Nord). La miniature qui illustre la couverture de votre Magnificat de ce mois de mai provient d’un missel livre d’Heures qu’il réalisa vers 1385. Elle représente la venue de l’Esprit du Christ sur le monde, telle une colombe envoyant du haut du ciel les rayons de sa lumière.

Infunde Amorem cordibus

Ce type d’image de l’Esprit Saint, seul, inondant le monde de ses rayons, a été volontiers utilisé à partir du XIIIe siècle en complément de la représentation de la Pentecôte, notamment dans les ouvrages de dévotion privée. Il s’agissait de signifier que, si l’Esprit Saint a bien été envoyé aux Apôtres – à la Pentecôte – afin qu’eux et leurs successeurs fussent les témoins authentiques de Jésus jusqu’aux extrémités de la terre, la Communion de l’Amour divin vient tout aussi bien remplir jusqu’à l’intime le cœur des fidèles chrétiens, pour y dispenser ses dons selon la vocation propre de chacun.

Giovanni di Benedetto représente ici la colombe sur un cercle d’or signifiant que l’Esprit Saint est vrai Dieu procédant du Père et du Fils. Mais, plus surprenant, il orne sa tête d’une auréole christique portant la croix rouge qui est habituellement, dans l’art ancien, la marque de Jésus ressuscité. Loin d’être une erreur, il s’agit d’une initiative géniale par laquelle l’artiste spécifie la mission de l’Esprit Saint en tant qu’il nous est envoyé par le Fils : de même que Jésus a été mis au monde au sein de la Vierge Marie par l’opération de l’Esprit Saint, de même par l’opération de l’Esprit Saint, Jésus restera présent et agissant parmi nous après être retourné au sein du Père. Ainsi, ce que l’artiste veut nous inviter à contempler, c’est précisément ce déploiement du mystère de l’Incarnation où, de l’Ascension à la Parousie, l’Esprit de Jésus nous partage sa communion d’Amour – chaque rayon d’or est destiné à l’un d’entre nous – pour nous mouvoir à nous aimer les uns les autres comme Jésus nous a aimés et, ainsi, à actualiser la présence agissante du Christ Jésus au monde, tous les jours jusqu’à la fin des temps (cf. Mt 28, 20).

Sine tuo nomine, nihil est in homine, nihil est innoxium

Saint Paul nous confirme que l’amour divin est répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint (Rm 5, 5), nous rendant capables de mettre en pratique le Commandement nouveau du Seigneur : n’est-il pas vrai qu’aimer les autres comme Jésus nous a aimés nous serait impossible hors de la communion de l’Esprit Saint ? N’est-il pas vrai que seul un amour des autres venant d’un cœur débordant de l’Esprit de Jésus peut être magnanime et serviable jusqu’au bout ? et n’être jamais envieux, ni prétentieux, ni orgueilleux, ni déplacé ? N’est-il pas vrai que seul un amour venant d’un cœur débordant de l’Esprit de Jésus ne tient aucun compte du mal ni ne se réjouit de l’injustice, mais trouve sa joie dans la vérité ? N’est-il pas vrai que seul un amour venant d’un cœur débordant de l’Esprit de Jésus croit tout, espère tout, endure tout ? (cf. 1 Co 13, 1-8).

C’est le génie de l’artiste de parvenir à nous montrer l’unité d’action entre le Christ et l’Esprit Saint dans l’accomplissement du dessein du Père pour le Salut du monde. Cette unité s’est manifestée divinement agissante en la personne de Jésus pendant sa vie terrestre. Depuis son retour vers le Père jusqu’à ce qu’il revienne, cette unité est appelée à se manifester en la personne de chaque chrétien fait, par l’Esprit Saint, participant au mystère de l’humanité du Fils de Dieu. Dans ce mystère, comme le révélait Jésus lui-même, l’eucharistie et le Commandement nouveau, c’est tout un : « Mon commandement le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime» (Jn 15, 12-13).

Dès lors, aussi bien, en nous qui vivons, c’est le Christ qui vit (cf. Ga 2, 20).

Pierre-Marie Varennes

La Colombe du Saint-Esprit, tirée du Missel livre d’heures franciscain, Latin 757, fol. 241v, Giovanni di Benedetto da Como (XIVe s., atelier de), Bibliothèque nationale de France, Paris. © BnF, Paris.

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